Rien sur les orchestres actuels. Pourquoi ?

À intervalles réguliers, je reçois des messages me demandant d’écrire des articles sur des orchestres actuels de tango argentin qu’ils soient orientés vers la tradition ou s’inscrivent dans l’univers du tango nuevo.

Je ne souhaite pas le faire pour une raison bien précise.

La « philosophie » de ce blog est d’analyser « les musiciens de ce genre musical en insistant sur leur style du début à la fin de leur carrière ».

Or, les orchestres contemporains dont certains sont récents, voire très récents (certains ont tout juste 10 ans), quel que soit leur domaine ou leur répertoire, sont en pleine carrière et, au demeurant, rien ne dit que certains survivront à tel ou tel phénomène de mode ou à leur univers sonore original dont la pérennité n’est pas nécessairement assurée (je ne suis pas certain que dans 80 ans certains enregistrements d’orchestres actuels seront encore diffusés, soit parce qu’ils s’inscrivent dans un phénomène passager soit parce qu’ils paraîtront terriblement datés, sachant que l’histoire de la musique est imprédictible).

À cet égard, l’histoire de la musique y compris celle de la musique classique et de l’opéra (mais c’est un phénomène général dans l’art) montre qu’un engouement passager, pouvant être même très important, a très vite disparu en fonction des circonstances.

Ce qui est capital dans une carrière, c’est le facteur temps – la durée. Une analyse de ces formations, à l’heure actuelle ou à un moment donné, serait nécessairement parcellaire, voire erronée.

D’ailleurs l’histoire musicale du tango argentin le démontre et voici quelques exemples concrets :

1) D’Arienzo.

Sa carrière a été très longue et il connaît toujours un succès retentissant dans les milongas. Quand il compose et joue avec son orchestre dans les années 1930, quelle aurait été la pertinence des analyses le concernant sachant que dès 1938, il allait opérer un virage important sous l’impulsion de son pianiste Rodolfo Biagi avec tout son univers de musique syncopée, le retour à la mesure à 2/4  et qui évoluera encore dans les années 1960 ?

2) Fresedo.

63 ans de carrière qui commence avec la Guardia Vieja et ses caractéristiques pour finir avec une musique plus proche des salons dansants que celle des milongas en passant par une musique lyrique et romantique.

3) Di Sarli.

Certes il faisait preuve d’indépendance en se démarquant des principaux courants musicaux mais néanmoins il y a une différence entre son sexteto et son orchestre des années 1950.

4) Piazzolla.

Il représente le cas le plus symptomatique.
Quelqu’un qui aurait fait une analyse de son style et en outre sur les raisons de sa désespérance en matière musicale qui a failli le faire abandonner, aurait dû tout réécrire à la suite de son virage ou plutôt de ses éléments novateurs, quasi révolutionnaires qu’il a opérés.
Une personne qui aurait écrit sur son manque de succès pendant une longue période (lui-même reconnaissait qu’il a été reconnu tardivement surtout en Argentine) pouvait-elle imaginer la gloire qui allait l’auréoler après et qui perdure encore aujourd’hui ?

Les exemples pourraient être multipliés.

Aussi, à l’image de quelqu’un qui ne commente pas l’actualité au profit d’une analyse quand le temps a passé (plus l’historien qui s’interroge que le journaliste qui commente), je préfère le regard distancié sur un orchestre quand il a écrit toute son œuvre, et c’est à ce moment que l’on peut se pencher sur lui et étudier sa place dans ce genre musical de façon certaine, vraie, et non de manière contingente ouverte aux suppositions.

Ceci étant, il y a d’excellents orchestres aujourd’hui, certains qui le sont moins, d’autres qui ne présentent aucun intérêt mais ceci est le propre de toute période dans chaque genre musical.

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