Féminisme et thé-tango

Féminisme et thé-tango est une comédie en un acte et trois scènes de Jeanne Leroy-Denis, écrite en 1936, et publiée aux éditions Vaubaillon qui étaient installées au 9, boulevard Saint-Germain dans le 5ème arrondissement de Paris (voir note).

C’est une œuvre sans prétention au style simple, qui s’avère, en réalité, être plus un long sketch qu’une pièce de théâtre. Il faut dire qu’à l’époque, la brièveté de certaines pièces de théâtre s’expliquait par leur diffusion sur les ondes radiophoniques impliquant une durée relativement brève.
Elle pourrait tout à fait constituer une scène d’une pièce de boulevard.

Elle met en présence seulement trois personnages : Lucien, Ginette (sa femme) et Francine (amie de Ginette).

Au lever de rideau, Lucien et Francine sont en pleine discussion et échangent quelques propos à fleurets mouchetés, ponctués de quelques piques verbales comme cette réplique de Lucien : « Savez-vous qui j’admire le plus en vous ? C’est votre mari ».

Lucien, d’un ton moqueur et légèrement sarcastique, tourne en dérision le féminisme tout en provoquant Francine à laquelle il déclare : « Je trouve que la femme doit considérer comme un devoir sacré sa mission d’être belle, d’éveiller de poétiques rêveries, de réjouir les yeux des hommes et les consoler des laideurs de la terre ». Ce à quoi Francine répond : « Je vous [les hommes] trouve très malins : vous avez tellement grisé les femmes de compliments à ce sujet-là [être belles], qu’elles ont mis leur plus grande gloire à vous plaire : c’est très malin, car ainsi, vous les avez empêchées de songer à autre chose et vous avez fait naître en elles cette terrible compétition dont vous avez été les premiers à profiter : « Plaire à tout prix » devint forcément leur devise, car celles-là seules ont droit de vie et de cité chez vous dont la jeunesse et le charme trouvent grâce à vos yeux. La beauté, pour les hommes, c’est un sorbet qu’on déguste et ils aiment mieux être dégustateurs que dégustés. Je comprends ça ! ».

Il lui dit que non seulement il est d’accord pour que sa femme aille danser au thé-tango mais qu’il l’incite à le faire afin qu’elle ne s’ennuie pas et ne devienne pas casanière ce qu’elle tend à être. Pour lui, le thé-tango et les réunions mondaines en général sont nécessaires à sa santé physique et morale.

Afin de lui éviter de rentrer seule du thé-tango, il décide d’aller la chercher en voiture et propose à Francine de l’attendre dans l’appartement. Francine patiente tranquillement quand le téléphone sonne. Elle répond. C’est Ginette. Sur le coup, celle-ci pense que c’est la bonne mais Francine explique qu’elle était passée lui rendre visite. Ginette lui dit de l’attendre. Elle rentre manifestement l’air embarrassé et raconte qu’elle est allée voir une cousine et que ce soir elle est invitée à une première, ce que son mari ignore.

Francine lui apprend que son mari est allé la chercher. Ginette affolée, lui avoue qu’elle n’était pas au thé-tango et ajoute « je suis perdue ! ». Elle explique qu’un homme l’aime en tout bien tout honneur. Francine tire le signal d’alarme et lui explique qu’elle va perdre son mari et tout sacrifier. Elle déclare : « Réfléchis, Ginette, es-tu prête à sacrifier tout cela que tu possèdes, qui est actuellement ta part de femme heureuse favorisée par le sort, es-tu prête à sacrifier tout cela pour un certain « il » qui, lui, ne sacrifie rien pour toi ? Es-tu prête, en un mot, à faire ton malheur et celui de Lucien ? ».
Francine lui pose vite quelques questions et élabore un plan. Elle s’enquiert du lieu du rendez-vous. Ce dernier pour le dîner doit avoir lieu au Café du Globe [celui qui l’invitait se disait, qui sait ?, qu’avec un tel nom, la tête de Ginette tournerait un peu plus vite].
Elle explique à son amie qu’il vaut mieux qu’elle y aille à sa place car elle pourrait s’attendrir, et qu’elle va régler son compte à l’inconnu audacieux et sans scrupules.
C’est alors que le mari arrive. Francine gère la situation et lui explique que sa femme n’était pas au thé-tango car elle ne se sentait pas bien, un léger malaise l’ayant contraint de revenir.
Comprenant qu’il faut aller vite, elle lui explique qu’elle est pressée et qu’elle a un rendez-vous. Un rendez-vous féministe précise Lucien ironiquement qui ne songe pas un seul instant à la toute-puissance de la solidarité féminine, la pièce se terminant sur une intervention de Francine qui déclare : « L’atmosphère des réunions féministes est beaucoup moins dangereuse que celle des thés-tango… pour les femmes qui ont le cœur fragile ! ».

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NOTE

Jeanne Leroy Denis a écrit un certain nombre de pièces le plus souvent retransmises à la radio (notamment à Radio – P.T.T.).
Ces pièces étaient courtes en règle générale.
On peut citer :
Un roseau chante au vent (1929).
Le Prince et la Bergère (1930).
Lili, Riquette et Toto (1933).
Ma 49e cuisinière (1934).
Francette, comédie pour femmes seules (1934).
La tragique aventure de la « Méduse » (1934).
La Vierge et le Sagittaire. (Certaines sources indiquent 1936 comme l’année de publication ; c’est inexact car dès 1931, le journal La Croix en faisait une excellente critique).

Les dessins figurant dans cet article ne faisaient pas partie du livre.

2 Commentaires (+ vous participez ?)

  1. danielsaindon
    Mar 18, 2018 @ 15:15:35

    Merci de nous faire connaitre ce bijou de l’histoire du tang qui nous fait un portrait de société..

    Magnifique!

    DS

    Réponse

    • milongaophelia
      Mar 18, 2018 @ 16:24:46

      Bonjour,

      Merci ! De même que je m’intéresse à des musiciens de tango oubliés de nos jours, j’essaierai de faire découvrir des livres concernant le tango.

      Bien cordialement,

      Sacha

      Réponse

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